Laideur

Sarkis, qui était sceptique, parla : « Et qu’en est-il de la laideur, Maître ? Tu ne parles jamais de la laideur. » 

Almustafa lui répondit, et ses propos étaient cinglants : « Mon ami, comment te reprocherait-il de ne pas être hospitalier celui qui passe devant ta maison et ne frappe pas à la porte ?

Et comment te dirait-il sourd et indifférent celui qui te parle dans une langue étrangère à laquelle tu ne comprends rien ?

N’est-ce pas ce que tu ne t’es jamais efforcé d’atteindre, dans le cœur de quoi tu n’as jamais désiré entrer, que tu appelles la laideur ?

Si la laideur est quelque chose, alors elle n’est que les écailles qui recouvrent tes yeux, et la cire qui remplit tes oreilles.

N’appelle rien laid, mon ami, sinon la peur d’une âme en présence de ses propres souvenirs. »

  • Khalil Gibran – Le jardin du prophète – p 23 et 24 – Editeur : Mille Et Une Nuits

Collection : LA PETITE COLLECTION